Palestine – Israël et les violations du droit international – Trois questions à Nasser Zammit

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Nasser Zammit est Conseiller en Relations Internationales et en Science Politique ainsi que spécialiste en études stratégiques et politiques de défense. Il répond à mes questions à l’occasion de son dernier livre « Palestine-Israël et les violations du droit international », paru aux éditions Connaissances et Savoirs.

Vous dressez le tableau des violations du droit international commises par Israël. Le droit international sera-t-il un jour respecté dans le conflit avec les palestiniens ?

Le 8 juillet 2014 commençait l’opération « Roc inébranlable » et traduit dans la presse par « Bordure protectrice », avec comme objectif affiché du gouvernement israélien de détruire les tunnels qui contournent le strict blocus de Gaza, imposé par Israël depuis 2005. Depuis 2008 et l’opération « Plomb durci », c’est la troisième attaque menée à Gaza par les forces armées israéliennes. L’opération « Bordure protectrice » qui a duré cinquante jours, a été la plus meurtrière pour la population civile de la bande de Gaza : elle a fait près de 2 500 morts dont plus de 500 enfants, 11 000 blessés gravement mutilés et/ou handicapés, 475 000 déplacés, 55 000 maisons détruites, sans compter les infrastructures détruites côté palestinien et 67 morts dont 64 soldats côté israélien. Sachant que l’enclave palestinienne ne dispose pas des infrastructures adéquates pour les 1,8 million d’habitants qui s’entassent sur 362 km². Sous état de siège militaire, avec un taux de chômage de 40 % dont 60 % chez les jeunes de 15 à 29 ans, 53 % de la population âgée de moins de 18 ans, la population est confrontée à de nombreuses pénuries matérielles et survit dans des conditions de vie proches de l’indigence. Près de 70 % des Palestiniens dépendent de l’aide humanitaire. Il faut également rappeler que le gouvernement israélien viole régulièrement le droit international au travers de l’occupation militaire illégale des territoires palestiniens, or la résolution de ce conflit asymétrique passe nécessairement par le respect du droit international. Pourtant, la stratégie actuelle, du gouvernement israélien, basée sur l’occupation, la terreur et l’oppression, est une impasse. Mais dans les faits, tant que de grandes démocraties occidentales comme les États-Unis ou l’Union Européenne, continueront d’appuyer une puissance occupante, alors il est clair, qu’il n’y aura pas de respect du droit international dans ce conflit.

Vous écrivez que le Hamas ne fait que rêver de détruire Israël alors que le gouvernement israélien détruit réellement la Palestine.

Effectivement, cette affirmation est un des principaux arguments du gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou. Il y a dans ce conflit une terrible disproportion de forces entre colonisateurs et colonisés. Depuis novembre 2012, date de l’offensive israélienne « Pilier de défense », Israël a violé le cessez-le-feu à de très nombreuses reprises au travers d’attaques aériennes, d’incursions militaires, de terres agricoles rasées et polluées, d’attaques de pêcheurs dans la bande de pêche autorisée, d’enlèvements illégaux et du meurtre de plusieurs dizaines de civils de la bande de Gaza.

Lors de la dernière opération militaire israélienne contre la bande de Gaza, 80 % des morts palestiniens étaient des civils alors que le droit international humanitaire est censé protéger les populations civiles. Des centaines de milliers de civils ont été déplacés, alors qu’il n’y a nul endroit sûr où se réfugier dans la bande de Gaza : les refuges de l’ONU qui hébergent les civils ont à plusieurs reprises été ciblés par les bombardements israéliens. La destruction et les massacres de la localité de Khouzaa, les quartiers de Jabālīyah, de Beit Hanoun ou de Rafah ou de Shujaiya sont difficiles à comprendre. Même la centrale électrique a été détruite. Comment les hôpitaux continueront ils leur travail? Comment les centres de traitement des eaux usées fonctionneront ils? Comment avoir de l’eau potable? Les infrastructures nécessaires à la survie des populations civiles palestiniennes ont été volontairement détruites par l’armée israélienne.

Dans les faits, le Hamas n’a pas la capacité militaire de détruire Israël. A contrario, le gouvernement israélien ne se contente pas de rêver, il détruit réellement la Palestine. Pour que le Hamas comprenne que la lutte armée est vaine et qu’il en vienne au dialogue, il faut également un interlocuteur israélien sérieux qui accepte de dialoguer avec toutes les composantes de la société palestinienne, parce qu’une paix durable ne se décrète pas de façon unilatérale et que la paix se négocie aussi avec son ennemi.

Vous semblez penser que le seul espoir vient d’une campagne mondiale de boycott contre Israël

Dans les faits, ce qui s’est passé en 2014, soit vingt-et-un ans après les accords d’Oslo, n’est certainement pas un «processus de paix», mais bel et bien une stratégie qui passe sans aucun doute par l’écrasement de tout ce qui pourrait résister au projet colonial israélien. Depuis dix ans, les gouvernements israéliens successifs et le gouvernement égyptien, soutenus par les États-Unis, ferment les frontières de Gaza.

Cela fait déjà trente-cinq ans, depuis la signature des accords de paix avec l’Égypte, que les dirigeants israéliens sont en panne d’une politique de paix. Pourtant les autorités israéliennes préfèrent continuer à jouer aux pompiers pyromanes en poussant les Palestiniens vers toujours plus de désespoir et de radicalisation. Le gouvernement israélien se targue souvent d’être la seule démocratie de la région, mais précisément une démocratie doit respecter les règles de droit vis-à-vis de tous et pas seulement de ses propres citoyens.

Pour arriver à une paix durable dans ce conflit, il est nécessaire de revenir à l’application du droit international et de contraindre le gouvernement israélien à suivre cette voie. Il ne faut pas laisser les autorités israéliennes déployer leur propagande sur l’utilisation de la légitime défense, car tuer des civils ne pourra jamais être considéré comme tel au regard du droit international. Un des instruments pour faire réagir la société israélienne, c’est la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS), qui a été lancée en 2005 par plusieurs ONG palestiniennes. C’est avec l’amplification de ces actions, que le gouvernement israélien finira par changer de stratégie et cela obligera les dirigeants israéliens à revenir autour de la table des négociations, parce que la panoplie de moyens non violents qui aura été mise en œuvre pour isoler Israël aura porté ses fruits. L’archevêque émérite Desmond Tutu et prix Nobel de la paix en 1984, fervent supporter de la campagne BDS, s’exprimant sur son propre combat contre l’apartheid avait dit : « Être neutre face à une situation d’injustice, c’est choisir le côté de l’oppresseur. »