En mars dernier, les autorités chinoises ont annoncé l’augmentation du budget de leur Défense, dans un contexte de méfiance de ses voisins asiatiques, des États-Unis et même désormais de l’Otan face à sa montée en puissance. Le gouvernement chinois a décidé d’augmenter son budget militaire pour l’année 2023. Il est ainsi passé à 1553,7 milliards de yuans, soit 225 milliards de dollars. Cette augmentation de 7,2% en 2023, constitue toutefois une très légère accélération par rapport à l’an dernier. Ce taux de croissance, plus élevé qu’en 2022 (il était de +7,1%) avait été annoncé dans un rapport du ministère des Finances publié en marge de l’ouverture de la session annuelle du Parlement. Le budget militaire chinois est donc le deuxième plus important du monde, après celui des États-Unis, plus de trois fois supérieur.
L’augmentation du budget chinois de la Défense reste en dessous des 10% pour la huitième année consécutive. De nombreux experts restent sceptiques, en ce qui concerne la réalité de ce budget, car aucun détail n’a été apporté. Toutefois sa hausse, chaque année, suscite la méfiance des pays voisins de la Chine ayant des contentieux territoriaux avec elle. C’est notamment le cas de l’Inde, avec des escarmouches qui éclatent parfois le long de leur frontière contestée dans l’Himalaya, du Japon, pour le contrôle des îles Diaoyu/Senkaku, de Taiwan ou encore des Philippines où des incidents surviennent régulièrement autour de la souveraineté d’îles en mer de Chine méridionale.
Les Occidentaux également se disent inquiets. De hauts responsables américains ont récemment accusé la Chine de vouloir envahir d’ici quelques années Taïwan, île qu’elle revendique, ou encore d’avoir une « flotte » de ballons militaires espionnant le monde entier. Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les Etats-Unis sont le pays ayant les dépenses militaires les plus élevées, avec 801 milliards de dollars en 2021, selon les derniers chiffres disponibles. Suivent dans l’ordre la Chine (293), l’Inde (76,6), le Royaume-Uni (68,4), la Russie (65,9) et la France (56,6).
Le 5 mars 2023, en annonçant, devant l’Assemblée nationale populaire les perspectives budgétaires pour 2023, le Premier ministre chinois a ainsi appelé à intensifier les entraînements de l’armée. Un message nationaliste qui s’adresse à la population chinoise, mais aussi aux voisins et rivaux de la Chine dans le monde. Devant les 3000 députés chinois réunis au Palais du Peuple, Li Keqiang a évoqué la revendication de Pékin sur Taïwan en parlant d’un « processus de réunification pacifique de la patrie ». Il a également réitéré devant les députés l’opposition de Pékin à l’indépendance de Taïwan. En présentant le budget de la défense qui atteint 225 milliards de dollars, le Premier ministre chinois a également parlé de l’entraînement et de de la « préparation au combat » une formule qui interroge dans un contexte international tendu et marqué par la guerre en Europe.
Les dépenses militaires de la Chine, en forte augmentation, restent officiellement trois fois et demi inférieures à celles de États-Unis. Mais en réalité une grande partie du budget chinois de défense passe sous les radars. Des recherches sur les missiles ou la cyberdéfense par exemple seraient présentées comme des dépenses civiles. Quel que soit le mode de calcul, les 225 milliards alloués à l’Armée Populaire de Libération en font le deuxième budget militaire au monde et avec des perspectives ambitieuses. Au début de l’année 2023, Pékin a ainsi présenté son projet d’avion de combat de sixième génération, le J-20 censé entrer en service en 2035 et qui serait capable de tirer des missiles hypersoniques. L’augmentation du budget chinois de la défense est un indicateur beaucoup plus révélateur que les discours. Il y a bien sûr Taïwan qui fait figure de cible privilégiée de la Chine, les incursions d’avions chinois à proximité de l’espace aérien de Taïwan ont quasiment doublé en 2022. Une pression qui s’accentue et à laquelle les États-Unis répondent par une présence navale et aérienne accrue dans la région. Washington est également préoccupée par le déploiement de moyens militaires chinois dans la zone indo-pacifique. Plusieurs pays comme l’Inde, le Japon ou les Philippines s’inquiètent aussi de la volonté chinoise de muscler ses moyens militaires. Pour l’instant le déploiement de l’armée chinoise dans le monde est limité, sa plus grande base à l’étranger -comme celle de la France- se trouve à Djibouti. Autre sujet d’extrême vigilance pour les occidentaux, après cette annonce de l’augmentation du budget chinois de défense, la capacité de la Chine, si elle le décide, à fournir des armes à la Russie. Jusqu’à présent Pékin dément l’avoir fait ou d’en avoir l’intention.
L’Otan considère désormais la Chine comme un « défi pour les intérêts » des pays de l’Alliance. La Chine se défend en présentant son armée comme purement « défensive » et souligne qu’elle n’a qu’une base militaire à l’étranger (à Djibouti), contre plusieurs centaines pour les États-Unis, à travers le monde. En outre, ses dépenses militaires tournent en dessous de 2% de son PIB, face à environ 3% pour Washington.
Au travers de cette hausse de son budget militaire, la Chine investit dans sa capacité à prendre le contrôle de Taïwan et à maintenir les États-Unis hors de la région. Les incursions d’avions militaires chinois dans la zone d’identification de défense aérienne (Adiz) de Taïwan ont ainsi presque doublé l’an passé, Pékin accentuant de la sorte, sa pression sur l’île. La Chine, elle, dénonce l’envoi par les États-Unis de navires et d’avions militaires dans la région pour y contester les prétentions chinoises et s’inquiète du renforcement ces derniers mois par Washington de sa coopération militaire avec l’Australie, le Japon, les Philippines et Taïwan.
D’autres pays de la région augmentent aussi leurs budgets militaires. Ainsi, l’Asie du Nord-Est est le théâtre d’une course aux armements et le renforcement chinois en constitue le moteur. D’autres pays de la région ont ainsi augmenté leurs budgets militaires pour 2023, comme la Corée du Sud (+4,4%) et l’Inde (+13%). Le Japon, lui, vient de réviser sa doctrine de défense et entend doubler son budget de la Défense, à 2% du PIB d’ici 2027, en réponse notamment à la Chine.
La Chine représente un défi pour l’Occident et l’ordre international tel que dirigé par les États-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais sur le plan militaire, du moins à court et moyen terme, il est certain que la Chine n’est pas disposée à contester le statut de Washington comme première puissance militaire mondiale et l’armée chinoise continuera probablement de mener des opérations militaires en deçà du seuil de la guerre, dans sa seule zone d’influence.